par Marvin Berry Band » 21 Juin 2010, 17:50
Chapitre 6
FETE NATIONALE
Comme prévu, le bal organisé pour célébrer la fête nationale avait lieu devant la place de l’hôtel de ville, qui pour l’occasion avait revêtu son habit de fête. En effet, d’innombrables banderoles et autres guirlandes avaient été disposées pendant le long sommeil de Marty. Sur la pelouse de la place, juste devant le monument historique, on avait fabriqué un grand plancher en bois, reposant sur l’herbe, qui allait évidemment, vu sa taille et sa disposition, servir de piste de danse. Beaucoup de monde était déjà présent. Les habitants de Hill Valley avaient tous sortis, ce soir là, leurs plus beaux costumes et leurs plus belles robes. Les gens discutaient, ici et là, par petits groupe, mais personne ne semblait vouloir poser un pied sur la piste de danse malgré le tube « Basin Street Blues » de Louis Armstrong, sorti deux ans plus tôt, interprété par un orchestre convié pour cette occasion. Tous les musiciens étaient habillés en costume, chaussures et chapeaux blancs. Il y avait un pianiste, un contrebassiste, un batteur et un guitariste pour la section rythmique et deux saxophonistes, un trompettiste, un tromboniste et un violoniste pour la section mélodique.
Sur tout le côté gauche, en faisant face à l’hôtel de ville, une sorte de buvette géante avait été aménagée. Derrière un très long bar, et sous des tonnelles en cas de pluie, Marty reconnu Cliff qui, à en croire sa position, semblait être responsable des boissons. En effet, il était debout derrière le bar et ne faisait rien, tandis que les autres tentaient de contenter la soif de tous les habitants de Hill Valley. Derrière ce long bar, un espace d’un mètre environ avait été conservé afin de stocker les bouteilles et les verres, et permettait aux serveurs de circuler. Puis des bâches, fixées sur les tonnelles, retombaient jusqu’au sol et fermaient l’arrière de la buvette. Derrières ces bâches presque opaques, Marty pu deviner que plusieurs groupes d’enfants s’amusaient.
A une extrémité du bar, John tenait, sans surprise, un verre dans la main. Lui aussi s’était mis sur son trente et un ce soir. Il fallait tout de même avouer que le costume qu’il portait, probablement choisis par sa mère, lui allait comme un gant. Le plus souvent, il avait le dos tourné à la foule, mais il se retournait de temps à autre, furtivement. Marty remarqua bien vite que John jetait de rapides coups d’œil en direction de Marie, robe rose, qui parlait avec une jeune fille différente de celle aperçu au « Central Bar ».
Marty, poussé par sa curiosité, tenta de s’approcher des deux jeunes filles pour savoir ce qu’elles pouvaient bien se raconter. Il ne les distinguait pas parfaitement d’où il était, mais l’amie de Marie attendait vraisemblablement un heureux évènement. Et cela semblait imminent. De manière très ridicule, et à l’aide de quelques tours sur lui-même, plusieurs regards vers le ciel et des pas de danse, il arriva à proximité des demoiselles. Du point de vue discrétion, c’était raté. Il patienta un peu pour se faire oublier, puis tendit l’oreille :
• Quand est-ce que le petit bout de choux doit arriver, demanda( Marie.
- Ce n’est pas pour tout de suite, il me reste encore plus de quartes mois, répondit la deuxième jeune fille.
Marie souleva brièvement les sourcils comme pour signifier l’étonnement. Marty put alors mieux observer la jeune femme et confirma sa première impression. Elle avait l’air d’être pourtant déjà très proche du terme. La future mère continua :
- Et oui, mon docteur m’a assuré que ce sera un beau et gros bébé.
- Et est-ce que Cliff s’est enfin décidé ? Il va reconnaître l’enfant, demanda Marie inquiète.
- Je ne sais pas encore. C’est difficile de lui parler, tu sais comment il est, il fuit les discutions sérieuses et il est rarement présent pour moi.
- Mais Kate, il faut que tu lui parles une bonne fois pour toute ! Tu ne te rends pas compte, c’est le bébé qui est en jeu… Et comment se passe la grossesse, reprit-elle après un moment de silence.
- Ca pourrait être mieux. J’ai souvent des douleurs assez fortes et la nuit le bébé donne des coups de pieds. Ce sera « un » ou « une » énergique, ça c’est certain !
- Et comment allez-vous l’appeler, ajouta Marie.
- Si c’est une fille, ce sera Emily. Si c’est un garçon, Cliff voudrait l’appeler Cliff Jr et mon père, Bill, souhaiterait qu’on le baptise Bill Jr. Je souhaite donc que ce soit une fille pour ne pas avoir à trancher entre la volonté de mon père et celle de Cliff.
- Cliff Jr ou Bill Jr ? Pourquoi n’essayes-tu pas de faire un mélange des deux pour satisfaire tout le monde ?
- Pourquoi pas, mais je ne vois rien qui puisse être un prénom agréable à porter.
- Mmm… Que penses-tu de… Biff !
- Biff Tannen, pensa Kate à voix haute. Ca sonne plutôt bien. Ce serait un bien joli nom pour un beau bébé. Il faudra que j’en parle à Cliff.
Marty venait donc de rencontrer la mère de celui qui lui causa tant de problème lorsqu’il essayait de réunir ses propres parents en 1955. En s’éloignant, il fut remarqué par deux autres jeune femmes, discutaient. L’une des deux dit à l’autre, qui tenait un bébé de quelques mois dans les bras :
- Gladys, tu as vu le style de ce garçon ? Il est magnifique !
- Oui, répondit l’autre, je crois qu’il porte ce nouveau blouson de cuir, ça lui va à merveille !
Mais,
Soudain, un homme monta sur scène, se plaça au milieu, devant l’orchestre qui venait de s’arrêter, installa une sorte de pupitre en bois, et commença à annoncer à l’aide d’un micro :
« Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, habitants de Hill Valley, visiteurs et étrangers, je vous souhaite la bienvenue.
Pour vous présenter cette exceptionnelle soirée du 4 juillet 1935, veuillez s’il vous plait accueillir comme il se doit, le professeur de Sciences de l’Université de Hill Valley, adjoint au Maire, Responsable des Activités Culturelles, Artistiques et Scientifiques de la ville, et ce soir, l’organisateur de cette soirée qui s’annonce magnifique… »
Quelques secondes de silence, une longue respiration, puis…
« Veuillez accueil Monsieur Wallace J. Needles ! »
La foule, qui s’était soudainement arrêtée de parler, applaudissait maintenant l’homme qui entrait sur scène et marchait vers le pupitre.
A première vue, le personnage qui venait de faire son entrée avait une cinquantaine d’année. Il avait une prestance incroyable, et surtout une aisance évidente avec le public. En effet, il levait les bras en signe de victoire, comme le font souvent les hommes politiques après une élection réussie, où lorsqu’ils sont avec leurs partisans. Sauf qu’à ce moment, rien n’était gagné puisque là soirée venait à peine de débuter. L’homme, sûr de lui, allait commencer son discours. Il était de petite taille et lorsqu’il s’arrêta derrière le pupitre, il dût abaisser le micro de quelques centimètres pour que celui-ci ne lui arrive pas en plein milieu du front. Il aurait peut-être pus demander à ce qu'un marchepied lui soit mis à dispositions derrière le pupitre, mais si quelqu'un l'avait vu, cela aurait certainement été encore plus ridicule ! Il regardait maintenant le public, et Marty découvrit ses yeux clairs et ronds. Il remarqua aussi, au moment où il s’apprêtait à parler, que ses deux dents de devant étaient légèrement écartées, avec un trou entre les deux. Il était évident que ce Wallace Needles, qui était vraisemblablement une personnalité connue et aimée à cette époque, était un parent de Douglas Needles, le collègue de travail et ancien camarade d’université qui a toujours cherché à mettre des bâtons dans les roues de Marty.
Une fois la foule calmée et le silence retrouvé, Wallace commença :
« Chers amis, je suis très heureux d’ouvrir la cérémonie de ce soir. Heureux de voir que vous, habitants de Hill Valley, êtes toujours aussi nombreux, voir plus, tous les ans à cette même date. Heureux de voir que malgré la crise qui a frappée notre pays il y a déjà plus de cinq années, vous avez toujours le sourire lorsque l’occasion se présente. Heureux d’avoir constaté qu’une fois de plus, les prétendants à l’organisation et l’encadrement de cette grande fête étaient très nombreux. Et enfin, je suis heureux de célébrer cette Fête Nationale avec vous, dans ma ville, celle que j’aime, celle dans laquelle je suis né.
En effet comme vous le savez peut-être, je suis né et j’ai grandis dans cette jolie ville de Hill Valley. Et à l’époque où j’étais précurseur dans la recherche aérienne, et les plus anciens doivent en avoir le souvenir, j’étais contraint de braver, contourner ou parfois même aller à l’encontre des lois de cette ville pour pouvoir simplement développer mes idée scientifiques. Et cela, je peux vous l’assurer, n’a pas été de tout repos. A cette époque en effet, s’épanouir et s’ouvrir à toutes les sciences n’était pas aussi aisé qu’aujourd’hui, et cela a été très long et douloureux pour moi d’assouvir ma passion. De nos jours, chacun de vos enfants peut, s’il en a l’envie, étudier, expérimenter, fabriquer et concevoir ce qu’il souhaite dans des ateliers, dont j’ai d’ailleurs eu l’initiative il y a quelques années. Ainsi, je souhaite que plus aucun jeune de cette ville ne vive la frustration que j’ai ressentie, celle de ne pas pouvoir aller au bout de ses passions et de ses rêves par manque de moyens financiers. Il était évident, à l’époque que…»
Soudain, un bruit très aigu, tel un larsen, suivit d’un bruit sourd se firent entendre. Puis plus rien. Wallace continuait de parler dans le microphone, et lorsqu’il s’aperçut, après quelques secondes, qu’il ne fonctionnait plus, s’arrêta. Il regarda ensuite son assistant, celui qui l’avait présenté au départ, et commença, de manière très peu discrète, à le sermonner. Il s’éclipsa sur le côté gauche de la scène, où se situait la régie avec le matériel d’amplification. Une légère fumée noire sortait de l’un des appareils. Wallace continuait à s’énerver et s’en prenait de plus belle au pauvre homme qui jouait ce soir le rôle de technicien du son. Marty tourna la tête et vit qu’une autre scène se jouait en même temps. Un peu plus loin, Helen était en train de tenir son fils John par le bras et semblait lui demander quelque chose que le jeune homme refusait de faire. Des gouttes de sueur ruisselaient à présent sur le front de Wallace, qui était au bord de la crise de nerf. Après quelques secondes, John se décida enfin, et se précipita vers le matériel défectueux.
Marty, voulant en savoir plus sur ce qui se tramait, alla rejoindre Helen, restée légèrement en retrait, fixant son fils avec des yeux émerveillés et un sourire béat.
- Qu’est-ce qu’il fait, demanda Marty.
- John est très doué pour tout ce qui concerne les fils électriques et autres appareils avec des boutons et des numéros, répondit-elle fièrement. Il passe des week-ends à bricoler ce genre d’objets incompréhensibles pour moi, avec son jeune ami Sam Baynes. Il a déjà réparé plusieurs fois la radio à la maison. Mais il est trop timide pour prendre la décision d’y aller tout seul, alors je l’ai un peu poussé, voilà tout !
- Interessant, répondit Marty discrètement en continuant d’observer la scène avec circonspection.
Deux longues minutes passèrent. John s’affairait toujours devant l’appareil fumant, alors que la foule, qui avait repris ses petites discutions, commençait à s’impatienter. On pouvait voir le saxophoniste du groupe s’entretenir avec Needles. Il était évident que le musicien proposait de jouer pour combler le trou. L’organisateur, grands gestes à l’appui, semblait refuser son offre pourtant intéressante.
Soudain, un nouveau larsen retentit, et on pouvait entendre un léger bourdonnement, qui ne couvrait pas totalement les paroles lointaines de Wallace tenant toujours le micro dans sa main.
« Mais qui est-ce qui m’a foutu un abrutit pareil ! Si je perds mon poste à cause de vous, je vous garantis que vous pourrez chercher un nouveau job, et que vous et votre sale famille allez en baver ! Vous n’êtes qu’un… »
John, qui venait de remettre en état l’appareil sous le regard attentif de Marie, arrêta Wallace et lui signala gentiment :
- Désolé, Monsieur, mais le micro fonctionne à nouveau et le public vous entend…
- Quoi, mais tu n’aurais pas pus me le dire avant, espèce de crétin, s’exclama l’homme en furie, prenant soin cette fois-ci de couvrir le micro avec sa main.
Puis, de retour sur scène, tout sourire et comme si rien ne s’était passé, devant un public médusé, Wallace repris avec un aplomb déconcertant :
« Désolé pour ce petit contretemps. Notre formidable technicien vient tout juste de trouver la panne, et nous l’en remercions ! Mais trêve de discours inutiles et ennuyeux, mes amis. Je déclare officiellement le bal du 4 Juillet ouvert, et vous souhaite, à toutes et à tous, une très agréable soirée. La piste de danse est maintenant à la disposition de chacun et chacune d’entre vous.
Messieurs les musiciens, vous êtes désormais les maîtres de cérémonie. Bonne soirée ! »
Wallace quittait la scène lentement en sautillant et en tendant son bras vers les musiciens et s’enfuit à bord d’une grande voiture noire dans laquelle un chauffeur l’attendait. Pendant ce temps, son pauvre assistant, rouge de honte, vint rechercher le pupitre qu’il avait déposé au départ, sans oser accorder le moindre regard au public abasourdi.
Marty, conscient qu’il pouvait sans doute tirer profit de la scène à laquelle il venait d’assister, se dirigea vers John, toujours accoudé au bar.
Les membres du groupe, quelque peu surpris eux aussi de la scène à laquelle ils venaient d’assister, venaient de reprendre. Le public, qui semblait avoir vite oublié l’incident, avait repris ses petites discutions éparses. A la grande surprise de Marty, le premier couple à monter sur la piste de danse fut Karl et Marta Von Brown. C’était une grande femme, vraisemblablement assez forte mais qui dansait avec une souplesse et une facilité très impressionnante. Karl, quant à lui, n’était pas en reste et avait l'air étonnamment décontracté. Le couple se regardait en souriant, et d’autres les imitèrent rapidement. Après quelques minutes, la piste de danse était quasiment pleine et les personnes restant sur la pelouse, dont Marty faisait partie, étaient soit trop vieux, trop jeunes ou trop piètre danseurs pour grimper les quatres marches menant à la piste.
Marty arrivait maintenant à proximité de John qui n’en était apparemment pas à son premier verre de la soirée. Posant amicalement la main gauche sur son épaule, il lui dit :
- Salut John. Alors tu passes une bonne soirée ?
- Pas vraiment. Marie ne m’a pas regardé une seule fois, et elle, elle semble très bien s’amuser ce soir !
Il leva péniblement son bras pour montrer Marie, dansant avec un jeune homme, pas plus grand qu’elle, tiré à quatre épingles et les cheveux plaqués en arrière.
- C’est le fils de M. Needles. Wallace Jr ! Il est beau, riche et en plus il semble lui plaire…
- Mais John, je suis sûr que toi aussi tu lui plais, et puis t’es pas mal non plus sapé comme ça. En plus, avec ce que tu sais faire, toi aussi tu pourrais être riche. Tu es très doué tu sais !
Marty observa quelques secondes de silence et repris plus discrètement :
- Dis-moi, John, ça fait longtemps que tu sais bricoler comme ça ?
- J’ai toujours sus réparer ce genre d’appareil. Lorsque l’on m’a offert mon premier poste de radio, je n’aimais pas vraiment l’écouter alors je m’amusais en le laissant tomber plusieurs fois jusqu’à ce qu’il ne marche plus, puis je passais des heures, voir des jours avec mon ami Sam, à essayer de le réparer. Ma mère dit que c’est un don et qu’un jour ça pourrait me sauver la vie.
- Oui, John, c’est possible.
Après un moment de réflexion et d’hésitation, Marty se lança enfin :
- D’ailleurs j’ai caché une sorte de très grosse machine, un peu plus haut sur les collines, et elle est vraiment très abîmée… Crois-tu que tu serais capable de la réparer ?
- Mais bien sûr Paul, ce serait un plaisir pour moi, répondit-il, puis il ajouta en souriant, à condition que tu m’aides en échange avec Marie. Je suis fou d’elle, mais je n’arrive pas à faire le premier pas !
- Et bien au moins toi, tu as le sens des affaires, soupira Marty. Marché conclu ! On se retrouve cette nuit, après la soirée, à minuit quinze, tout en haut de la colline à l’est de la ville. Je t’y attendrais. Au fait, John, ajouta Marty en le retenant par le bras, prend quelques outils, tu risque d’en avoir besoin.
- Tous mes outils sont là, Paul, dans mon cerveau, répondit-il avec son doigt planté sur le côté droit de son front.
Puis, montrant l’intérieur de sa veste qui dissimulait une mignonette de Whisky, il ajouta :
- Et puis si je manque d’inspiration, j’ai toujours mon produit miracle !
De façon grotesque, il s’éloigna en regardant avec méfiance autour de lui, comme s’il cachait une arme dangereuse.
Marty était plutôt fier du pacte qu’il venait de conclure, même si la dernière réflexion de John ne lui inspirait pas particulièrement confiance. Il allait peut-être pouvoir repartir en 1985 comme prévu, pour empêcher Jennifer de voir la DeLorean, et donc la sauver. Et en plus, pour une fois, il n’aura pas semé le trouble dans l’époque visitée par erreur, ce qui est une amélioration non négligeable, due sans doute à son expérience des voyages spatio-temporels.
Il décida donc de se détendre un peu, et de prendre du bon temps en attendant de poursuivre son voyage. Le jeune homme continua à errer autour de la scène où l’on dansait avec ferveur à cette heure de la soirée. Il remarqua un homme seul, à l’autre bout de la piste de danse, à proximité de l’orchestre. Il était grand, portait une longue veste marron qui s’arrêtait juste au dessus des chevilles, très inhabituel pour l’occasion et surtout vu la chaleur qu’il faisait ce soir là. Il était coiffé d’un haut chapeau, marron lui aussi, qu’il avait légèrement rabattu sur l’avant. Marty n’arrivait pas à distinguer son visage. Il se sentait pourtant observé par cet homme, mais comme lui aussi avait probablement une allure peu commune, il se dit que c’était probablement normal qu’il attire les curiosités.
Il était maintenant presque vingt trois heures. La soirée était très réussie. On pouvait compter sur les doigts des deux mains les personnes qui ne dansaient pas. John, bien sûr, toujours appuyé sur son coin de buvette, n’avait pas osé poser un pied sur la scène, et se contentait de bouger les épaules, presque imperceptiblement, au rythme de la musique, un gobelet à la main. Cliff, qui commençait probablement à avoir un taux d’alcool dans le sang plus élevé que son quotient intellectuel, semblait se disputer avec Kate. Il tournait le dos à la femme qui portait son enfant, et lui répondait très sèchement, sans jamais la regarder dans les yeux, tandis que la jeune femme tentait vainement d’attirer son attention en mettant sa main sur son épaule. Malheureusement, à la distance à laquelle il se trouvait, Marty ne pouvait pas entendre le sujet de leur dispute. Pensant que ce n’était pas essentiel, il continua son chemin dans une autre direction.
Son regard se porta cette fois-ci sur les danseurs, et plus particulièrement sur les Brown, qui étaient à n’en point douter les rois de la piste de danse. Quant à ses arrières grand parents, William et Helen, on ne pouvait pas en dire autant. En effet, Helen, qui dansait de façon plutôt excentrique, devait fréquemment s’arrêter pour s’excuser auprès des autres couples environnants, car en plus de marcher sur les pieds de son mari, il lui arrivait de marcher sur ceux de ses voisins de danse, sans compter les nombreux coups d’épaules, de coudes et de bras que ceux-ci devaient endurer. Au cours de la soirée, il se forma ainsi une sorte de périmètre de sécurité autour d’eux. Il s’amusa en pensant qu’il y a quelques temps, il tenait ce même William, bébé, dans ses bras, et qu’il lui urinait dessus. Alors qu’aujourd’hui, il était en train de le regarder danser.
Ensuite il observa John, à l’autre bout de la scène. Il était maintenant à quelques mètres du petit groupe de danseur où était Marie. Au grand étonnement de Marty, John semblait faire quelques pas vers elle pour l’inviter à danser. Mais celle-ci avait l’air de passer une merveilleuse soirée. Elle dansait énergiquement en passant d’un cavalier à un autre. Et lorsqu’elle passa à proximité, John leva doucement le bras comme pour la convier à partager une danse. Mais lorsque son bras fut levé complètement, sa dulcinée était déjà repartie au beau milieu de la foule. Marty observa pathétiquement la scène se reproduire trois fois, avant que John ne renonce en retournant à son activité favorite.
En continuant sa ballade entre les gobelets vides jonchant le sol de la place de l’hôtel de ville, le regard de Marty s’arrêta sur une silhouette lointaine, qui lui était bizarrement familière. Il n’était pas très grand, portait un chapeau haut de forme, un costume très classique et une sorte de brassard était noué sur son bras gauche, entre son coude et son épaule. Il se tenait droit comme un « i », les deux mains derrière le dos et regardait la fête avec une grande attention. C’était une nuit noir, et comme il se trouvait un peu à l’écart de la fête, son visage était dans l’obscurité. Depuis que Marty avait commencé à l’observer, l’homme n’avait pas bougé d’un millimètre.
Puis, entraîné par sa curiosité, le jeune homme tenta une approche discrète. Il se cacha d’abord derrière un énorme tronc d’arbre, puis, tel un agent secret, courrait d’arbre en arbre à moitié baissé. Comme à son habitude, il manqua une occasion de ne pas se faire remarquer, et en glissant sur un gobelet, trébucha et s’étala de tout son long sur le chemin au bout duquel se trouvait l’homme, en plein dans sa ligne de mire, à une vingtaine de mètre. Lorsque ce dernier tourna la tête, son visage se retrouva dans un filet de lumière, et Marty le reconnu instantanément. Comprenant à qui il avait à faire, il préféra se relever doucement pour retourner avec les autres.
Mais il entendit soudain la voix puissante de l’homme s’adresser à lui :
- Eh, tocard ! Attendez une minute !
“Les voyages dans le temps sont trop dangereux. Je ferais mieux de me dévouer à l’autre grand mystère de l’humanité: Les femmes!”